Dites « oui » !
Dites « oui » !
Ce texte est long, il a donc été rédigé en 3 articles, dont voici le premier :
La domestication de votre peur peut se résumer à ces seuls mots : dites oui à l’univers ! Je les ai entendus de la bouche d’une de mes professeurs, qui les avait adressés à un élève se plaignant de la vie. Je lui demandai d’expliquer ce qu’elle entendait par cette phrase, et elle me répondit : « C’est simple. Quelles que soient les circonstances, faites . oui de la tête, acquiescez, au lieu de faire un signe de refus. Dites oui, au lieu de dire non. » Depuis, j’ai toujours suivi ce conseil : à chaque fois, la magie a opéré.
L’« univers »
Le terme « univers » fait référence au cours que semble prendre notre vie, malgré nous, malgré toutes les idées que nous avions en tête. C’est une force qui agit mystérieusement et interfère souvent avec nos propres projets. Il fait référence à un certain courant, un flux qui dirige notre vie et celle des autres, et sur lequel on a très peu de contrôle, voire aucun. Ainsi, quand on a décidé de s’engager dans une certaine direction, un événement imprévu vient souvent tout bouleverser. Ces. coups de théâtre ou la simple perspective d’un imprévu ou d’un quelconque impondérable déclenchent tout un cortège d’angoisses. C’est presque inévitable. On imagine alors volontiers le pire. C’est là qu’il faut intervenir et dire « oui ».
Dire « oui », l’antidote de la peur
Dire « oui », c’est accepter ce que la vie nous offre. Dire « oui », c’est ne pas chercher à offrir la moindre résistance aux événements et c’est accepter les nouvelles orientations du cours des choses. Dire « oui », enfin, c’est prendre son temps, se décontracter et étudier calmement la situation, en réduisant ainsi- son éventuelle anxiété. En acquiesçant, sans parler du bénéfice d’ordre émotionnel, vous en tirerez des avantages physiques non négligeables. Vous serez mieux avec vous-même, et votre corps vous en saura gré.
Inversement, dire « non », c’est se poser comme victime : « Cela n’arrive qu’à moi ! » Dire « non », c’est se bloquer, lutter et tourner le dos aux opportunités qui se présentent. Dire « non » engendre nécessairement des tensions. La dénégation entraîne épuisement, gaspillage d’énergie, bouleversements émotionnels, ou pire encore, apathie. « Je ne pourrai jamais m’en sortir. Je ne peux plus continuer. Il n’y a aucune issue. » Pourtant, il existe bien un espoir, mais un seul : celui de parvenir à dire « oui ».
Dire « oui » n’est pas seulement le meilleur antidote à nos petites déceptions quotidiennes, nos défaites, nos occasions manquées ou nos menus déboires (une grippe, une fuite d’eau, un embouteillage, un pneu crevé, un rendez-vous raté, etc.). C’est surtout un remède miracle contre nos peurs les plus profondes et les plus irrationnelles.
Je vais vous parler de Manu, incarnation vivante du pouvoir de dire « oui ». Manu a grandi dans ce que l’on appelle une banlieue difficile. C’est un « dur-à-cuire » à la carrure d’athlète, c’est dire qu’il avait tout pour être à l’aise dans un tel environnement. Un jour, lors d’une bagarre entre deux bandes rivales, il fut grièvement blessé à la colonne vertébrale, et perdit définitivement l’usage de ses jambes.
Quand j’ai fait sa connaissance, il venait de terminer un séjour dans un centre de rééducation et cherchait du travail dans le centre hospitalier où j’étais directrice administrative. Il voulait enseigner aux jeunes les dures réalités de la vie. Il avait envie de leur donner les moyens d’éviter les ennuis qu’il avait connus lui-même. Il intégra l’équipe et devint un modèle pour tout le monde.
Un jour, je suis entrée subrepticement dans une salle. Manu était assis au milieu d’un groupe de jeunes. Les questions fusaient de toutes parts, ces questions qui brûlent les lèvres des enfants face à une personne handicapée. « Qu’est-ce que cela fait de ne pas pouvoir marcher ? » « Qu’est-ce qu’on doit dire à un handicapé ? » « Comment tu fais pour te laver ? » Manu prenait le temps de répondre à chacun. À un moment, il leur demanda quelle était, à leur avis, la chose dont un handicapé avait le plus besoin. Un petit garçon lança tout à trac : « Des copains ! » « Exact ! », répondit Manu, et tous bondirent spontanément pour lui sauter au cou, en criant : « On va tous être tes copains ! » Je ne sais pas qui, de Manu, des enfants ou de moi, avait le plus appris ce jour-là !
À une autre occasion, nous avions organisé une soirée pour accueillir un nouveau groupe de personnes âgées. Malgré la présence d’un petit orchestre de trois musiciens dont nous avions loué les services, les nouveaux venus hésitaient à se risquer sur la piste. Tout à coup, Manu poussa son fauteuil roulant au milieu de la pièce et commença à « danser » au rythme de la musique. « Allez, tout le monde ! Si je peux avancer jusqu’ici et danser, alors vous le pouvez aussi ! » En quelques minutes, il avait réussi à faire bouger, rire et chanter tous les participants. Sa vitalité était contagieuse : les gens qui ne se connaissaient pas se liaient d’amitié. Jamais il n’a manqué une occasion de montrer aux autres qu’en adoptant une attitude positive, il est possible de tirer parti de tout ce que la vie nous réserve.
Manu et moi avons souvent parlé. Un jour, il m’a confié qu’immédiatement après son accident, il avait perdu tout espoir et toute volonté. Il m’a expliqué : « Ce n’était pas facile pour le macho que j’étais de perdre l’usage de ses jambes, le contrôle de sa vessie et de son intestin. » On l’avait dirigé vers l’un des meilleurs services de rééducation de l’hôpital, mais il refusait toute aide. Les médecins étaient sur le point de l’envoyer dans un centre spécialisé, où il serait pris en charge à 100 %. Pour lui, c’a été le déclic : s’il intégrait ce type de structure, il n’avait plus aucune chance de s’en sortir. Le moment était venu de dire « oui » ou de dire « non » à l’univers. Aujourd’hui, il remercie le ciel d’avoir finalement réussi à dire « oui ».
Une fois déterminé, Manu a progressé de manière remarquable. Les portes s’ouvraient devant lui. Il a pris la décision de donner un sens à sa vie : aider les autres dans leur combat, quelle que soit la nature de leur lutte. Il voulait devenir un exemple, et pouvoir dire à qui voulait l’entendre : « Si j’ai pu m’en sortir, alors vous le pouvez aussi. » Manu m’a avoué aussi que, aussi étrange que cela paraisse, il était reconnaissant d’avoir cette infirmité. Elle lui avait ouvert les yeux. Elle lui avait fait comprendre qu’il était capable d’apporter sa contribution au monde.
Avant son accident, Manu ne savait pas que sa vie pouvait avoir un sens. Aujourd’hui, il est convaincu d’être paradoxalement moins handicapé qu’avant : il sait désormais apprécier la vie, chose qu’il ignorait complètement.