Le mouchoir
Le mouchoir de Christian Flèche
Un enfant se promène dans le grand terrain de jeu qu’est la nature ; ce matin-là, il est seul, il marche. Autour de lui, il voit des arbres, des papillons.
Quelques nuages au-dessus des arbres tamisent la lumière du jour naissant. Les rayons capturés par les gouttelettes d’eau scintillent et laissent irradier à travers la musique de la nature tout le choix des couleurs, des teintes que rencontrent le chant d’un oiseau, le battement d’ailes d’un autre oiseau.
Cette musique et cette lumière s’entrecroisent comme un tissage magique, unique.
L’enfant regarde tout cela, entend tout cela, ce mariage fécond entre le scintillement et l’harmonie du monde, comme des fils qui s’entrecroisent pour former un tissu fait de douceur, de musique et de lumière.
L’enfant suit du regard ce morceau de tissu dont le vol ressemble à la feuille qui se détache de l’arbre, au vol d’un papillon, à un pétale qui tombe ; ses yeux suivent cela et lorsque la course de cet objet arrive sur le sol, il découvre alors un mouchoir posé sur l’herbe.
L’enfant ramasse ce mouchoir, cette merveille et en le saisissant, quelque chose se passe qu’il ne savait pas à la minute précédente ; c’est comme un sanglot qui monte du plus profond de lui, comme un frisson qui le parcourt dans son entier et qui vient de loin, de très loin, du plus profond de chacune de ses cellules.
Ce sanglot monte jusqu’à son visage pour être accueilli par ce mouchoir magique ; ses larmes viennent pour êtres enfin accueillis par cette merveille.
Plus il pleure, mieux il se sent, libre, léger. Au bout de quelques minutes, le mouchoir, le tissu, a tout absorbé ; toutes les larmes, tous les pleurs, tous les sanglots, tous les frissons sont comme dans une éponge, attrapés, capturés par ce mouchoir magique.
L’enfant se sent alors heureux d’un nouveau bonheur, si différent du bonheur habituel ; un bonheur dont il n’avait pas idée la minute d’avant. Ce mouchoir devient aussitôt son ami, son confident ; ce mouchoir va accueillir toutes ses émotions, et aussi ses larmes, ses chagrins, mais aussi ses colères.
Dans ces instants-là, il pourra mordre de rage ce tissu magique. Quand il aura des peurs et des angoisses, il pourra le serrer très fort dans ses petites mains. Ce mouchoir magique, la merveille absorbe et transforme tout cela, profondément.
De temps à autre, l’enfant va faire sécher ce tissu fait de la rencontre du ciel et de la terre De temps à autre, avec une pince à linge il l’accroche à un fil et ce mouchoir se nettoie, se purifie par l’eau de la pluie, sous la chaleur du soleil et grâce au passage du vent ; cela est recyclé dans la perfection de la création.
L’enfant grandit, grandit. Il a l’impression que ce mouchoir diminue, qu’il est de plus en plus petit, alors que c’est cet enfant qui a grandit, qui est devenu adulte ; et un jour il offre ce mouchoir, car ce mouchoir, comme un mille feuilles, comme un livre se multiplie et engendre de nouveaux mouchoirs qui, eux-mêmes, engendreront d’autres mouchoirs qui, eux-mêmes, accueilleront tout ce que l’on va accepter de leur offrir afin qu’ils le transforment.
Mais l’histoire ne s’arrête pas là car sur le fil à linge, ce mouchoir tenu par ses deux pinces à linge a deux secrets. Lorsque vous acceptez de le prendre pour ami, et confident et lui faire confiance, quelque chose de particulier se passe.
Ce que je veux vous dire, c’est cela : un autre enfant un jour a pris ce mouchoir dans la main alors qu’il se sentait spécialement serein, libre, soulagé, libéré de toutes tensions; lorsqu’il a approché ce mouchoir de son oreille droite, celui-ci lui a dit une chose très importante, rien que pour lui :
« ce matin je veux te livrer un secret, écoute ! Tu peux entendre (long silence) très loin en toi et de plus en plus près, cela, en ce moment ».
L’enfant entend cette phrase, cette parole, ces mots sont inscrits maintenant à l’intérieur pour plus de bonheur encore, du bonheur à venir. Le mouchoir a un deuxième message, mais l’enfant ne sait pas comment il le sait, mais il le sent. Il amène le mouchoir à son oreille gauche et là c’est un message non pas pour toi, explique le mouchoir, mais un message pour tous les autres que tu vas rencontrer, pour tous ceux qui seront autour de toi et voilà ce que tu vas leur dire, à travers ta vie et tes sourires, à travers même la musique, te s silences et la lumière de tes mots, voilà ce que l’autre va entendre (long silence).
Oui, tout enfant grandit et ces deux messages, ces deux secrets, ces deux paroles sont à chaque instant présents, toujours puissants, aimants, simples.
L’enfant a grandit et le mouchoir s’est multiplié, mais les secrets sont toujours à l’intérieur de tous vos mouchoirs présents et à venir. Ils ont tellement à vous dire.
Alors, prenez juste le temps de les écouter, de vous écouter, de les accueillir, de vous laisser accueillir ; prenez le temps de découvrir, de vous découvrir, simple, simplement, là, comme un souffle, une respiration ; comme cela est simple et laissez faire, laissez s’ouvrir ………………………. En même temps, en ce moment, en toi, quelque chose depuis toujours est là, quelque chose continue, quelque chose de très subtil, de très beau comme un joyau.
Je te laisse quelques secondes avec toi, tu as tout ton temps pour vivre cela maintenant (long silence).
FIN